Sébastien Garcin est notre 26e Parité en Portraits. Entrepreneur et auteur de Le sommet de la pyramide : déconstruction d’un homme blanc, il s’engage depuis une dizaine d’années sur les questions d’égalité femmes-hommes. Comment mobiliser les hommes pour en faire des alliés de l’égalité et de la parité dans les entreprises ? C’est pour répondre à cette question qu’il a cofondé Men at Work en 2024.
Spécialiste du marketing digital, Sébastien Garcin a débuté sa carrière en accompagnant des grands groupes dans leurs premières campagnes digitales avant de passer au conseil en transformation digitale. En 2019, il cofonde YZR, start-up utilisant l’IA générative pour optimiser les données du retail, qu’il dirige toujours. Depuis quelques années, il contribue également au développement de Men at Work, un collectif mobilisant les hommes pour faire progresser l’égalité en entreprise.
“Quelques hommes alliés formés et conscients suffisent pour transformer un collectif, notamment une entreprise, en un environnement inclusif et respectueux pour toutes et tous.” - Sébastien Garcin
Quelques idées clés de l'entretien :
- Freins à l’allyship/solidarité active des hommes : ignorance, sentiment d’illégitimité, peur de “perdre en masculinité” et sentiment d’impuissance freinent encore leur engagement pour la parité.
- Responsabilité des dirigeants : quelques alliés peuvent créer un effet d’entraînement et transformer durablement l’entreprise – un microcosme plus simple à faire évoluer que la société dans son ensemble.
- Parité = attractivité : fixer un objectif 50/50 dès le départ attire des talents compétitifs, renforce la culture inclusive et nourrit un véritable sentiment de fierté collective.
- Former les hommes, entre hommes, pour mieux agir ensemble : les formations en non-mixité masculine offrent un espace d’échange propice à la parole libre, à la remise en question et à une prise de conscience plus profonde des enjeux d’égalité et de parité femmes-hommes.
L'interview
Voici une mise en page claire et professionnelle sous forme d’interview magazine (style presse ou rapport annuel). J’ai conservé le ton et les formulations originales, tout en aérant et structurant la lecture.
Interview – Sébastien Garcin
Président co-fondateur – YZR
Co-fondateur – Men at Work
Quel a été votre parcours ?
Sébastien Garcin :
J’ai passé une grande partie de ma carrière à travailler sur des problématiques de marketing digital – à une époque où ce domaine en était encore à ses débuts. J’ai collaboré avec des groupes internationaux comme Nestlé, PSA (devenu Stellantis), American Express, LVMH ou encore Mattel.
Pour eux, j’ai développé les premières campagnes digitales, les premiers blogs, sites internet et campagnes sur les réseaux sociaux. Je suis ensuite passé du côté du conseil en transformation digitale, accompagnant les entreprises dans la refonte de leur organisation et de leur stratégie face aux bouleversements provoqués par les innovations numériques.
Ce parcours m’a conduit chez McDonald’s, où j’ai assuré la direction du digital par intérim. J’y ai notamment piloté la mise en place du click and collect pour McDonald’s France.
Chez L’Oréal, j’ai ensuite été responsable du marketing de la filiale française, avec la charge de l’accélération digitale. C’est là que j’ai commencé à travailler sur de grands projets liés à la donnée, ce qui m’a amené à co-fonder YZR en 2019, une start-up spécialisée dans l’automatisation de la mise en qualité des données du retail, avec une forte dimension en intelligence artificielle.
Depuis, l’aventure entrepreneuriale se poursuit, avec son lot de réussites et de défis. Aujourd’hui, je dirige toujours YZR et je participe en parallèle au développement de Men at Work, un collectif créé il y a un an qui vise à mobiliser les hommes pour faire progresser l’égalité en entreprise.
Comment avez-vous commencé à appréhender les enjeux de parité et d’égalité femmes-hommes ?
S.G. :
Le déclic principal remonte à 2013, au moment des manifestations pour et contre le mariage pour tous. À cette époque, j’ai voulu me « marier » symboliquement avec un ami sur Facebook, pour encourager mes autres copains, surtout hétéros, à en faire de même.
J’ai alors réalisé à quel point l’homophobie se vivait aussi intérieurement, via une gêne et une honte à s’afficher comme homosexuels quand ils ne l’étaient pas. Au même moment, ma femme m’envoyait des publications d’un groupe Facebook féministe intersectionnel issu du magazine Causette, que j’ai ensuite intégré. Ce groupe a été une véritable révélation : il m’a permis de « chausser les lunettes du genre ».
Dès lors, j’ai été passionné par ces questions, tant intellectuellement qu’émotionnellement. J’ai beaucoup lu et assisté à des conférences, mais j’étais presque toujours le seul homme présent. Pour partager cela avec mes pairs, j’ai écrit un livre de vulgarisation – Le sommet de la pyramide : déconstruction d’un homme blanc (2017).
Quand j’ai commencé à m’exprimer publiquement, vers 2016, les militantes féministes accueillaient encore avec prudence l’intérêt d’un homme pour ces sujets. Mais je n’ai pas abandonné : il y avait un enjeu clair, parler aux hommes.
Nous testons régulièrement ce principe dans les formations en non-mixité de Men at Work, qui permettent d’aborder tous les sujets de façon directe. Les participants écoutent, posent des questions, sans se défendre ni nier les faits.
Quel est l’enjeu spécifique d’un dirigeant de start-up en termes de culture d’entreprise ?
S.G. :
Toutes nos névroses finissent par se retrouver dans l’entreprise que nous créons. La santé mentale du fondateur ou de la fondatrice est déterminante, car elle influence celle du collectif.
Dans une start-up, la liberté est beaucoup plus grande : on peut construire un univers professionnel où les valeurs auxquelles on croit sont réellement respectées. C’est une grande responsabilité, mais aussi une formidable opportunité.
Quelles mesures avez-vous mises en place pour favoriser la parité chez YZR ?
S.G. :
Dans la tech, on excuse souvent les déséquilibres sous prétexte qu’il n’y a que des hommes ingénieurs. Ce constat cache surtout une absence de volonté.
Chez YZR, nous avons fixé un objectif de parité exacte (50/50). Pour y parvenir, nous avons décidé que certains postes ne seraient pourvus que par des femmes – ou pas du tout. Nous avons aussi recruté via le dispositif Passeport Talent, favorisant l’arrivée en France de profils étrangers, notamment du Maghreb, où les écoles forment autant de femmes que d’hommes dans la data et la programmation.
Nous avons également accueilli des femmes issues de reconversion professionnelle. Ces démarches ont rapidement féminisé l’équipe et renforcé sa diversité.
Mais la parité ne protège pas du sexisme. Après des comportements inappropriés signalés, j’ai lancé un sondage interne. Le simple fait de le faire a rendu le sujet visible et provoqué une prise de conscience collective. Cette expérience a été fondatrice et a inspiré la création de Men at Work.
Comment cela se concrétise-t-il avec Men at Work ?
S.G. :
Aujourd’hui, Men at Work propose des conférences et formations autour de la notion d’hommes alliés.
Une majorité de ces sessions se déroulent en non-mixité masculine : un formateur homme face à des participants masculins. L’objectif n’est pas de transformer des misogynes en militants, mais d’accompagner le « ventre mou » — des hommes bienveillants, mais désorientés sur la manière d’agir.
Deux tiers de notre travail portent sur les comportements entre hommes. Notre pari : faire en sorte que certaines attitudes deviennent source d’inconfort, et qu’une nouvelle norme collective émerge.
Pourquoi avoir choisi la non-mixité masculine ?
S.G. :
C’est avant tout un levier pédagogique. Dès qu’une femme est présente, les hommes changent de posture : certains veulent prouver qu’ils sont exemplaires, d’autres se défendent. En non-mixité, les échanges deviennent plus sincères.
C’est aussi un symbole fort : depuis des années, ce sont les femmes qui portent les réseaux égalité. Nous voulions que les hommes prennent enfin leur part de responsabilité.
Qui fait appel à vous ?
S.G. :
Nous intervenons surtout auprès de grandes entreprises — Adidas, La Banque Postale, Servier, Geodis, VINCI, etc. — car ce sont elles qui ont la capacité de transformer la culture interne.
Notre rôle est de parler aux hommes qui ont du pouvoir, non pour les culpabiliser, mais pour leur donner des leviers d’action concrets, du comportement personnel à la transformation managériale.
Quels obstacles freinent encore l’engagement des hommes ?
S.G. :
Nous avons identifié quatre freins principaux :
L’ignorance, beaucoup d’hommes ne mesurent pas l’ampleur du problème.
Le sentiment d’illégitimité, l’idée qu’ils n’ont pas leur place sur le sujet.
La peur de perdre des points de masculinité, d’être perçu comme « féminisé ».
Le sentiment d’impuissance, l’idée que l’action individuelle ne sert à rien.
Ces quatre freins expliquent en grande partie l’inaction masculine.
Comment les lever ?
S.G. :
La pédagogie reste la clé pour lutter contre l’ignorance.
Pour les autres freins, les role models sont essentiels : des hommes qui prennent la parole avec respect pour les luttes féministes. De plus en plus d’hommes s’engagent publiquement, ce qui contribue à faire bouger les lignes.
Au-delà des initiatives comme Men at Work, quels leviers sont les plus importants ?
S.G. :
La mixité reste le levier le plus évident.
Mais je me méfie du discours qui la relie uniquement à la performance : cela pourrait se retourner contre les femmes. Le véritable moteur, c’est le bien-être collectif au travail.
Dans une start-up, cela prend une importance particulière : ces structures offrent des trajectoires rapides. Il est donc crucial que ces opportunités bénéficient à toutes et tous.
Quel retour d’expérience tirez-vous des débuts de Men at Work ?
S.G. :
Nous transformons des hommes, c’est certain.
Nos enquêtes post-formation montrent que les participants ressortent investis d’une mission. Certains deviennent des relais internes, capables d’agir dans leur environnement professionnel et personnel.
Comment le regard des militantes féministes a-t-il évolué ?
S.G. :
L’évolution est très nette.
D’un côté, davantage d’hommes trouvent leur voix sur ces sujets. De l’autre, beaucoup de femmes reconnaissent qu’il est plus efficace d’élargir le cercle des alliés.
La société a beaucoup évolué, souvent sous le choc d’événements douloureux comme #MeToo. Ces changements ont ouvert un nouvel espace de dialogue.
Quels livres ou ressources vous ont marqué ?
S.G. :
Le mythe de la
virilité, un piège pour les deux sexes – Olivia Gazalé (Robert Laffont, 2017)
Le coût de la virilité, Ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes – Lucile Peytavin (Anne Carrière, 2021)
Les podcasts Les Couilles sur la table et Un podcast à soi de Charlotte Bienaimé (Arte Radio).
Souhaitez-vous que je vous le mette en page en format Word (avec mise en forme typée magazine : titres, retraits, citations en exergue, etc.) ? Cela donnerait un rendu professionnel prêt à publier ou à maquetter.